Le positif et le normatif en philosophie économique

Sous la direction de Sina Badiei, Gilles Campagnolo, Agnès Grivaux
Collection : E-conomiques

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Le rapport entre positif et normatif est une question méthodologique et théorique centrale en économie. À ce titre, les débats de la littérature spécialisée réclament une synthèse précise, à défaut de la cartographie exhaustive qui paraît une gageure. Le présent ouvrage le reconnaît volontiers en montrant qu’il est pertinent de revenir sur ces enjeux et qu’il est opportun d’élaborer ou d’ouvrir certaines perspectives jusqu’ici peut-être moins explorées.

Le point de vue des coordinateurs de ce volume part du constat que l’étude du rapport entre positif et normatif reste précieuse pour la pensée et la philosophie économiques : l’enquête met en évidence des distinctions essentielles, entre normes, valeurs et faits, ou entre l’activité de description, la prescription et l’évaluation, et concernant des notions comme la causalité dans le champ épistémique, la justice et l’intérêt dans le champ éthique. S’ajoutent des leçons instructives pour penser le rapport entre positif et normatif en défendant la primauté de l’un (le positif, le plus souvent) ou de l’autre (le normatif, plus rarement), ou en les séparant. Force est de constater que les écoles de pensée les plus divergentes peuvent se rejoindre, voire s’accorder sur des positions inattendues. Favoriser le positif, voilà qui réunit des économistes d’écoles de pensée aussi influentes et diverses que les écoles marxiste, autrichienne ou de Chicago : celles-ci, et d’autres, trouvent leur place dans ce volume, ainsi que des approches méthodologiques variées (pragmatisme, bayésianisme, théorie des négociations).

S’il semble qu’un consensus valorisant les approches positives en économie y obère la recherche, à quoi est-il dû ? L’histoire de la pensée économique permet-elle de dégager quelques positions venant nuancer cette position ? Des perspectives philosophiques peuvent être adaptées à cet effet et l’importance des pratiques est également à relever, peut-être pour mieux valoriser les approches normatives en économie.Telles sont quelques-unes des approches traitées dans les onze contributions réunies dans cet ouvrage à partir d’un colloque tenu en décembre 2020.

Auteurs Sina Badiei, Étienne Balibar, Laure Bazzoli, Carlo Benetti, Gilles Campagnolo, Morgane Delorme, Daniel Diatkine, Véronique Dutraive, Agnès Grivaux, Patrick Lang, Kevin Leportier, Michel Olivier, Emmanuel Picavet, Antoine Rebeyrol, Pierre de Saint-Phalle
Titre Le positif et le normatif en philosophie économique
Édition 1re
Sous la direction de Sina Badiei, Gilles Campagnolo, Agnès Grivaux
ISBN 978-2-37361-352-0
eISBN 978-2-37361-353-7
Support papier et ebook pdf
EAN13 Papier 9782373613520
EAN13 ePub 9782373613537
Nombre de pages 322
Dimensions 16 x 24 cm
Prix livre papier 28 €
Prix ebook ePub 22 €

Les auteur.e.s [page 3]

Introduction [page 7] Sina Badiei, Gilles Campagnolo, Agnès Grivaux Le positif, le normatif et la philosophie économique

1re partie. Positif et normatif dans l’histoire de la pensée économique : quatre cas d’étude

Chapitre 1 [page 41] Daniel Diatkine Économie normative et économie positive, prescription et théorie : Quesnay et Smith face à la bêtise

1] Smith et Quesnay partagent le même ennemi, le système mercantile … 43

1.1] Qu’est-ce que le système mercantile ? Le cas de la libre circulation des grains … 43

1.2] Le système mercantile est une folie (Quesnay) … 46

1.3] Le système mercantile est le produit de l’histoire (Smith) … 46

2] Que faire ? … 50

2.1] Une économie prescriptive conséquente … 50

2.2] L’utopie de Quesnay … 55

3] Conclusion … 55

Résumé : On cherche ici à comparer les approches de Smith et de Quesnay. Cette comparaison est justifiée par le fait qu’ils partagent le même adversaire, qu’ils nomment le « système mercantile », qui confond l’intérêt des marchands et le bien commun. Toutefois, leur angle d’attaque est très différent, parce que leur analyse de leur ennemi est différente. Selon Smith, le système mercantile est le produit de l’histoire de l’Europe. Pour Quesnay, il est le produit de l’ignorance des lois économiques de la part des gouvernants. Les solutions qu’ils proposent sont donc radicalement opposées. La question ouverte par Smith est celle de savoir à quelles conditions constitutionnelles les législateurs pourraient adopter un point de vue impartial qui leur permettrait de dissiper cette confusion. Pour Quesnay, tout est affaire de pédagogie. Le premier pose une question politique, le second est utopique.

Chapitre 2 [page 59] Étienne Balibar Ni « normativité » ni « positivité » : qu’est-ce qu’une « critique » de l’économie politique ?

1] Épistémologie … 60

2] Originalité et limites de la « critique » marxiste … 63

3] Capital humain, marchandisation, externalités … 69

3.1] La question de la force de travail … 70

3.2] La question de la valeur … 72

4] Conclusion … 75

Résumé : En s’appuyant sur une relecture de Marx (et de la tradition marxiste) qui mette en évidence à la fois la pertinence renouvelée de sa « critique de l’économie politique » fondée sur l’analyse des phénomènes économiques en termes de « rapports sociaux » et de « processus » historiques marqués par la combinaison de la contradiction et du conflit, et la dépendance de cette critique par rapport aux axiomes du discours classique qu’elle avait entrepris de retourner contre sa fonction idéologique, la présente contribution cherche à instruire une triple question : comment se distinguent les objectifs épistémologiques de fondation, de critique interne (critique des présupposés conceptuels) et de critique externe (critique des usages politiques) qu’on peut ranger sous la notion de « critique », par-delà la distinction du positif et du normatif ? Comment s’articulent les thèses maîtresses de la critique de Marx sur l’exploitation comme source de l’accumulation, la reproduction du rapport de classe et la valorisation à partir du travail abstrait, et comment « résistent-elles » (inégalement) à la remise en question du modèle « eurocentrique » de « tendance » historique du capitalisme et de primat de l’économie « réelle » sur l’économie monétaire ? Comment, enfin, pour faire face aux problèmes d’analyse et de politique soulevés par la tendance « accélérationniste » du capitalisme contemporain, tirer de certains renversements de la perspective marxiste (Becker, Polanyi) les moyens d’une refondation de la critique ? En guise de conclusion, on souligne la pertinence des questions critiques dans la conjoncture de crise environnementale et sanitaire qui ébranle la distinction des « internalités » et des « externalités ».

Chapitre 3 [page 79] Patrick Lang Inculquer ou extirper l’esprit du capitalisme ? Le primat du normatif selon Gustav Schmoller et Max Scheler

1] Introduction. Caractérisation de l’école historique allemande d’après John Neville Keynes. Faits et valeurs sont inséparables en économie politique … 79

2] L’économie éthique de Schmoller : au nom de la justice, inculquer l’esprit du capitalisme à ceux qui en sont privés … 84

3] Implications problématiques de l’économie schmollérienne … 88

4] La critique de l’homme moderne selon Scheler : le capitalisme, ainsi que la science qui prétend en rendre compte, sont tributaires d’une distorsion spécifique dans l’appréhension des valeurs … 91

5] Conclusion. Au-delà de la Wertbeziehung webérienne, la science « positive » dépend d’options normatives fondamentales … 97

Résumé : Selon l’École historique allemande, toute théorie économique qui se veut positive non seulement mobilise des présupposés normatifs implicites, mais produit aussi des effets normatifs. Ainsi, la priorité que la théorie classique accorde à la richesse au détriment de la justice se voit inversée par Gustav Schmoller : puisque l’allocation efficiente des ressources par le marché concurrentiel produit une répartition injuste du revenu national, la question de l’allocation doit être (re)posée prioritairement en termes de coopération selon des règles institutionnalisées à l’échelle d’une société. Il s’agit alors d’éduquer les citoyens à la rationalité économique, ce qui entérine, paradoxalement, le modèle (au départ contesté) de l’homo œconomicus motivé par ses seuls intérêts. Une élucidation plus radicale, d’ordre philosophique, est nécessaire : c’est celle – développée par Max Scheler – d’une modernité dont le capitalisme, et la société et la science occidentales sont des manifestations, reposant toutes sur un rapport émotionnellement faussé de l’homme à soi-même, à autrui et au monde.

Chapitre 4 [page 103] Gilles Campagnolo L’idéologie allemande. L’idéologie autrichienne. Positivité et normativité dans l’œuvre de Carl Menger (1840-1921)

1] Introduction : « idéologies » et utilité du retour aux origines … 103

2] Comprendre la tâche de l’économie politique … 110

2.1] Ce qu’est la tâche prochaine la plus urgente en économie politique … 111

2.2] L’unilatéralisme et le relativisme font de l’historicisme allemand une idéologie … 116

3] Du rapport positif/normatif à la vie matérielle au sein des Principes … 120

3.1] Les principes de Menger : notions de base et raisonnement marginal fondamental … 123

3.2] Menger, lecteur de Kant : une source moderne dont l’influence sur lui est à nuancer … 127

3.3] Normes de la vie matérielle selon Menger : une quasi-anthropologie économique … 131

4] La Weltanschauung de Menger et une « idéologie autrichienne » ? … 134

4.1] Quelle place pour la question d’une « idéologie autrichienne » ? … 135

4.2] Menger, économiste fondateur, n’est ni allemand ni américain … 137

5] Conclusion : leçon mengérienne et tâche de la philosophie économique … 141

Résumé : L’œuvre du fondateur de l’école autrichienne d’économie politique, Carl Menger (1840-1921), doit être reconsidérée dans l’élaboration de son projet pour la science économique et de ses sources philosophiques. En rappelant le work-in-progress (ou, selon l’expression allemande, l’Entstehungsgeschichte) qui se lit dans les efforts que le Viennois déploya pour ses Principes d’économie politique (Grundsätze der Volkswirtschaftslehre), ce chapitre souligne comment le chef-d’œuvre de théorie « positive » paru en 1871 suscita la « querelle des méthodes » (Methodenstreit) concernant l’usage de normes dans l’historicisme allemand (et surtout en la personne de son chef de file, Gustav Schmoller). Dans le contexte de cet affrontement, Menger devait, afin de restaurer la primauté de la théorie, mettre l’économie positive au centre de son analyse afin que les sciences économiques fussent enfin reconnues comme discipline à part entière, c’est-à-dire ni subordonnées à l’histoire ni ancillaires de positions idéologiques (ce à quoi l’historicisme allemand tendait à les réduire). Les enjeux ainsi portés (la « tâche urgente de l’économie » selon Menger, notamment dans sa vision du rapport de la science aux normes, qu’il n’exclut aucunement) peuvent être utilement appréhendés selon la grille du positif et du normatif. La route qui fut alors barrée était bien celle d’une seconde « idéologie allemande » (biffée par sa « consœur » autrichienne comme veut le montrer la typographie du titre du chapitre) ; dans un autre cadre d’analyse, c’est bien entendu Marx qui avait rendu une première fois fameuse une condamnation de l’« idéologie allemande ». Le chapitre fat usage de la première traduction française et édition critique des Principes, parue pour le cent-cinquantenaire de l’ouvrage et le centenaire de la disparition de Menger (2020, Le Seuil). Cette édition des Principes suivait celle des Recherches sur la méthode (1883, première traduction française parue en 2011 aux Éditions de l’EHESS) : le chapitre souligne, dans ces deux œuvres fondatrices, le rôle-clef de l’individualisme méthodologique qui imprègne et fait débat dans l’ensemble des sciences sociales depuis Menger, individualisme dont la forme pure d’expression subjectiviste est la spécificité que le Viennois donna à la science dans ce moment originel de l’économie dite «autrichienne».

2e partie. Perspectives philosophiques sur le positif et le normatif en économie

Chapitre 5 [page 149] Laure Bazzoli & Véronique Dutraive Questionner la séparation entre le positif et le normatif en économie avec le pragmatisme de John Dewey

1] Les arguments ontologiques en faveur de l’articulation du positif et du normatif … 151

1.1] Ontologie, ontologie sociale et statut de l’économie … 152

1.2] L’ontologie sociale et l’articulation de l’économique, du politique et de l’éthique … 155

2] La dimension épistémologique de l’articulation du positif et du normatif … 159

2.1] La théorie de la connaissance : expérience et action … 159

2.2] Une conception expérimentale et instrumentale  de la science … 162

3] L’instrumentalisme de Dewey et la méthodologie de l’économie positive de Friedman … 165

3.1] Quand Milton Friedman rencontre John Dewey … 165

3.2] L’irréductibilité de la méthodologie de l’économie positive et du pragmatisme … 168

4] Conclusion … 171

Résumé : Ce chapitre est consacré à la mise en perspective du cadre philosophique pragmatiste de John Dewey par rapport à l’économie et à la discipline économique, en explorant le thème des relations entre le positif et le normatif. Les autrices montrent qu’aux trois niveaux ontologique, épistémologique et méthodologique, le cadre pragmatiste remet en cause de façon originale la séparation traditionnelle en économie entre le positif et le normatif pour privilégier leur articulation. Sur cette base, les autrices distinguent l’instrumentalisme de Dewey, auquel la méthodologie de l’économie positive est parfois rattachée, de celui de Milton Friedman.

Chapitre 6 [page 177] Michel Olivier De quelles normativités peut-on parler en économie ?

1] Normativité externe et normativité interne … 178

2] De l’hétérogénéité des normes, Walzer et Lyotard … 183

3] De la norme à l’éthique, de Lyotard à Levinas … 188

4] Une idée directrice alternative ? … 193

5] Conclusion … 195

Résumé : L’enjeu de ce chapitre est celui de l’hétérogénéité du champ normatif. Toute normativité émane d’un cadre spécifique au champ qu’elle régule et à son contexte historique. La normativité scientifique, par exemple, n’a rien à voir avec la normativité morale, juridique ou politique ; la normativité de telle science sociale ne partage que peu de chose avec la normativité des sciences de la nature. L’économie, comme toute science, a un cadre théorique pourvu de présuppositions normatives qui lui sont propres. Faire baisser le chômage, limiter l’endettement ou encourager la croissance sont des prescriptions qui semblent aller de soi en tant qu’elles sont inhérentes à ce cadre. Il s’agit d’une normativité interne à la science économique. Toutefois, décider de ce qui peut légitimement être vendu et acheté, par exemple, est une question normative en un autre sens. Il s’agit là d’un cas de normativité externe à l’économie, issu d’un autre cadre, mais où l’on peut pourtant vouloir réguler l’économie au nom d’une transcendance normative qui semble désirable, mais qui reste difficile à justifier. Le chapitre discute cette difficulté en s’appuyant sur les œuvres de Michael Walzer, Jean-François Lyotard, Karl Polanyi et Emmanuel Levinas.

Chapitre 7 [page 199] Pierre de Saint-Phalle L’économie politique entre pratiques normatives, normatrices et positives

1] Normatif, normateur et positif : une requalification pour comprendre la répartition des rôles discursifs institués … 204

2] James Steuart : une économie politique sceptique, substantiviste et rhétorique … 209

3] Revue brève de trois cas de régulation de la propriété : la « Grande Démarcation » (1789-1790), le tout-à-l’égout parisien (1870-1914) et le « commun environnemental » (2020-…) … 214

4] Conclusion … 219

Résumé : L’énoncé de la norme ayant force de loi est normatif ; l’énoncé décrivant une norme souhaitable est « normateur » ; l’énoncé qui décrit la norme est positif : ce chapitre propose l’analyse de l’économie politique en tant que pratique discursive conçue selon cette tripartition. La littérature économique dépasse en effet la catégorie des textes savants. Un vaste corpus est à prendre au sérieux dans la question de l’organisation économique, en dehors même de son expertise scientifique au sens strict. Des pratiques savantes et non savantes concourent à la saisie collective, puis à la régulation, de cette dimension de l’agir économique individuel et collectif. L’enjeu est de qualifier le rôle des économistes au sein du processus général de régulation, à travers cette tripartition des pratiques discursives entre normatif, normateur et positif (section I). Or, chacune de ces pratiques respecte une éthique. Sir James Steuart (1767) considérait l’économie politique comme encastrée au sein de conflits éthiques et politiques, sa perspective donne un sens neuf aux travaux des économistes postérieurs (section II). Trois très brèves études de cas de régulation de la propriété font voir l’application de la tripartition proposée (section III). Requalifier les discours désignés communément comme « normatifs » en « normateurs » permet de mieux situer la normativité économique effective, à la fois comme mobilisation et comme articulation réussie des normes et des valeurs. Cette requalification n’est pas seulement une proposition de clarification conceptuelle, mais également une tentative de description alternative de l’économie politique comme pratique et rhétorique.

3e partie. Le positif et le normatif dans la pensée et dans l’action économiques

Chapitre 8 [page 227] Carlo Benetti & Antoine Rebeyrol Le rôle de la méthode normative dans la théorie néoclassique positive

1] Le rôle de la norme dans l’œuvre de Walras … 229

2] La méthode normative dans la théorie de l’équilibre général concurrentiel … 232

2.1] La méthode normative … 232

2.2] Le programme d’Arrow … 233

2.3] La force de la méthode normative … 235

2.3.1] Une critique de l’empirisme … 235

2.3.2] L’unité de la discipline … 236

3] La méthode normative dans la théorie monétaire … 237

3.1] Les frictions … 237

3.2] La réserve de valeur dans un modèle simplifié de générations imbriquées … 239

4] En guise de conclusion critique … 241

Résumé : On défend l’idée que, sauf exception, un point de vue normatif est toujours présent dans l’analyse économique. Chez Léon Walras, il s’agit d’une norme de justice extérieure à la théorie à laquelle elle impose des contraintes. Dans la méthodologie de Kenneth Arrow, c’est le modèle lui-même qui constitue la norme : les résultats positifs sont pensés comme des écarts par rapport à la norme d’équilibre général, ou comme des moyens pour compenser les échecs du marché. On illustre cette méthode par une tentative d’intégration de la monnaie, à savoir le modèle à générations imbriquées d’agents. On conclut avec quelques remarques critiques qui soulignent les limites de cette démarche.

Chapitre 9 [page 247] Morgane Delorme L’impossible neutralité des interventions de la Banque centrale européenne sur les marchés financiers. Le cas des programmes d’assouplissement quantitatif destinés aux titres d’entreprises non financières et aux obligations d’États (CSPP et PSPP, 2015-2018)

1] Légitimer la politique monétaire par sa dépolitisation … 249

1.1] La légitimité d’une banque centrale indépendante … 249

1.2] Le recours à la neutralité … 252

2] Des programmes de rachat de titres conditionnés à la neutralité de marché … 253

2.1] Intervention sur les marchés et rachats de titres sécurisés (CSPP, PSPP, 2015-2018) … 253

2.2] NDM, une ambition à première vue ordo-sympathique … 255

2.3] « Reproduire le marché » : distorsion de concurrence et surexposition au risque … 258

2.4] Les effets environnementaux d’une reproduction de la structure du marché … 260

3] Entre QE et neutralité, un choix s’impose … 264

Résumé : La crise financière de 2008 a imposé une profonde transformation de la politique monétaire, obligeant la Banque centrale européenne (BCE) à développer de nouveaux instruments non conventionnels afin d’assurer la survie de la zone euro. Ce chapitre analyse l’« assouplissement quantitatif » et les justifications produites, en particulier à l’occasion de deux programmes de rachats d’actifs (CSPP, PSPP) conduits entre 2015 et 2018. Traditionnellement tenue à une grande réserve en raison de son héritage du courant dit « ordolibéral », la BCE justifie ses pratiques interventionnistes en arguant du critère de « neutralité de marché ». Or, ce critère, au lieu d’assurer la neutralité de la BCE, constitue deux ruptures majeures par rapport à celle-ci : l’une, vis-à-vis de son impartialité distributive, en renforçant artificiellement les positions déjà dominantes ; l’autre, vis-à-vis de l’héritage ordolibéral susdit, qu’elle s’essayait à ne pas trahir, mais en échouant à protéger le mécanisme de découverte des prix et en faussant le niveau d’information sur les actifs. S’il importe à la BCE de protéger sa légitimité, elle se trouve face à deux options : ou bien abandonner son engagement ordolibéral historique envers la neutralité et s’engager dans la voie de pratiques ouvertement distributives, ou bien mettre un terme à ses rachats d’actifs sur les marchés.

Chapitre 10 [page 271] Kevin Leportier L’économie normative sans les préférences ? Critère d’opportunité, anti-paternalisme et engagement

1] Questions de définition … 275

1.1] Le principe anti-paternaliste … 275

1.2] La possibilité d’une préférence pour l’engagement … 277

1.3] Le critère d’opportunité … 279

2] Un conflit de principes … 281

2.1] Incompatibilité … 281

2.2] Solutions … 283

2.2.1] Renoncer au principe anti-paternaliste … 283

2.2.2] Renoncer à la possibilité d’une préférence pour l’engagement … 284

2.2.3] Renoncer au critère d’opportunité … 285

3] Un paradoxe de l’anti-paternalisme … 286

4] Conclusion … 289

Résumé : Les résultats de l’économie comportementale ont contribué à jeter le doute sur l’idée que les choix des individus expriment des préférences stables, cohérentes et indépendantes de tout contexte. Dans un livre récent (2018), Robert Sugden propose en conséquence d’utiliser un critère d’opportunité pour évaluer les situations économiques, à la place du traditionnel critère de satisfaction des préférences. L’application de ce critère ne requiert aucune information quant aux préférences des individus et permet donc de formuler le projet d’une « économie normative sans préférences ». L’auteur met en évidence une difficulté interne à ce projet. Le critère d’opportunité repose sur l’idée que disposer d’opportunités plus nombreuses est toujours une bonne chose ; mais que penser du cas d’individus qui préféreraient avoir moins d’opportunités ? Il serait alors impossible de respecter ce critère sans contredire cette préférence des individus. Le chapitre s’attache à décrire précisément l’incompatibilité qui existe entre ce type de préférence, le critère d’opportunité et l’« anti-paternalisme », partagé par beaucoup d’économistes. Il conclut que tout anti-paternalisme suppose d’attribuer aux individus une certaine préférence (minimale) pour la liberté.

Chapitre 11 [page 291] Emmanuel Picavet Aspects positifs et normatifs du traitement du compromis dans la négociation

1] Négociation, jeux et normativité … 292

2] Prétentions, revendications et demandes légitimes … 298

3] Viabilité et effectivité dans une analyse formelle du compromis … 304

4] Conclusion … 307

Résumé : Dans ce chapitre, l’auteur examine les rapports entre les aspects positifs et différentes dimensions de la « normativité » dans l’étude de la négociation, telle qu’elle s’est développée dans les approches venues de la théorie des jeux et inspirées par des problèmes relevant souvent de l’économie. Le jeu des intérêts peut sembler « positif », mais son traitement mobilise des normes relevant de choix de méthode et, au-delà des questions d’équilibre dans les concessions, de normes de comportement au sein des coalitions, de recherche active de solutions sociales et de stabilité, ou de viabilité. Le jeu de ces normes est solidaire d’une vision de la négociation en société, dont on attend une « montée en généralité », bien au-delà du cas du marchandage bilatéral, et d’une manière qui conduit à raisonner sur la construction des compromis.

Index des noms [page 311]

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