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Lire la suiteDans un contexte où le recueil de données est devenu massif, l’analyse de ces dernières a pour ambition de mieux décrire et cerner l’imbrication multifactorielle de phénomènes complexes. En ce sens, l’étude des systèmes complexes est aujourd’hui omniprésente, notamment dans les sciences humaines et sociales et celles du vivant. D’ailleurs, l’établissement d’une science de la complexité, visant à regrouper les champs d’étude mobilisant des systèmes complexes, s’est développé depuis les années 1970.
En rassemblant des philosophes des sciences, des historiens et des écologues, l’objectif de ce livre est donc de présenter la diversité des perspectives ayant cours dans les développements les plus récents en termes de sources historiques, d’épistémologie, de méthodologie ou d’applications pratiques de la science de la complexité. En réfléchissant à la variété des manières d’aborder cette dernière, cet ouvrage vise à fournir un état des lieux de la pluralité de cette science pour contribuer à l’édification d’un cadre épistémique unifié.
L’ouvrage se compose de trois parties : une mise au point épistémologique de la notion de complexité, et en particulier de la controverse autour de la notion d’émergence (« Complexité et émergence ») ; une analyse des applications des outils de l’approche de la complexité à une pluralité des systèmes, allant de l’écologie aux sociétés humaines (« Enjeux de la complexité ») ; une analyse des épisodes de l’histoire des sciences de la vie qui ont marqué le développement de l’approche des sciences de la complexité (« Parcours pluridisciplinaires d’épistémologie historique »).
Auteurs | Andrea Angelini, Caroline Angleraux, Silvia Caianiello, Olivier Delettre, Elena Gagliasso, Cédric Gaucherel, Solange Haas, Bruno Hay Mele, Daniele Iudicone, Maurizio Ribera d’Alcalà, Emiliano Sfara |
Titre | Evolution et systèmes complexes |
Sous-titre | Approches épistémologiques et historiques |
Édition | 1re |
Date de publication | 2023 |
Sous la direction de | Silvia Caianiello & Caroline Angleraux |
ISSN | 2275-9948 |
ISBN | 978-2-37361-406-0 |
eISBN | 978-2-37361-407-7 |
Support | papier & ebook |
EAN13 Papier | 9782373614060 |
EAN13 ePub | 9782373614077 |
Nombre de pages | 300 |
Nombre de figures | 19 |
Dimensions | 16 x 24 cm |
Prix livre papier | 29 € |
Les auterices (page 3)
Introduction (page 7) Silvia Caianiello & Caroline Angleraux
Partie 1 Complexité et émergence
Chapitre 1 (page 19) Philippe Huneman & Camille Noûs Complexité, prédictions, déterminisme et émergence: clarifications conceptuelles
1] La notion de complexité: tours et détours
2] Complexité et réseaux : un nouveau cadre ?
3] épistémologie: topologie et mécanismes
4] Prédictibilité et déterminisme
4.1] Déterminisme
4.2] Prédictibilité et typologie des systèmes
4.3] Prédiction et émergence
5] Conclusion
Résumé. Dans le présent chapitre, je parcourrai quelques problèmes épistémologiques et métaphysiques posés par la notion de complexité telle que la rencontrent les chercheurs qui visent à produire théorisation et modélisation de ce qu’on nomme système complexes, qu’il s’agisse d’organismes, d’écologie, de « socioécosystèmes » ou de systèmes économiques. Depuis les années 1970 on a vu l’émergence de l’idée d’une science dite « de la complexité », qui aborderait identiquement des systèmes ontologiquement différents, via des modèles capturant leurs propriétés génériques et expliquant ainsi des spécifiés comportementales communes; le Santa Fe Institute, Simon Levin, Murray Gell-Mann, Ilya Prigogine, David Ruelle, Robert May, John Holland, Margaret Mitchell, Stuart Kauffmann, sont des noms propres récurrents dans cette aventure scientifique; attracteurs étranges, fractales, extrême sensitivité aux conditions initiales, chaos, sont des désignations récurrentes qui régulièrement visent à caractériser de tels système (Chemla et Dahan Dalmedico 1992 ; Prigogine et Stengers 1979 ; Gleick 1989 ; Ruelle 2020). Mais au-delà (ou en-deçà) de ces propriétés que l’on dit génériques, et qui justifieraient qu’en effet une même science étudie les standing ovations dans les concerts, les transitions de phases et les émeutes (le terme standing ovation problem désignant maintenant au sens figuré l’objet de ces modèles communs) ou le comportement des bancs de poissons, il existe des problèmes épistémologiques communs à cet ensemble de modèles et théorisations. Je vais en donner une idée dans les pages qui suivent. Dans un premier temps je tenterai de cerner la notion même de complexité et soulignerai les embûches rencontrées par cette tentative. Dans un second temps je m’attarderai à une propriété commune de nombreux systèmes complexes et leurs représentations, soit leur propension à être modélisés par des réseaux. J’exposerai ensuite une propriété épistémologique de ces réseaux, à savoir qu’ils donnent lieu à des explications que j’appelle topologiques. Enfin je me concentrerai sur une autre propriété de systèmes complexes, l’imprédictibilité, qui suppose en réalité des bases objectives dans la nature du système étudié ; j’indiquerai ses connections avec la notion métaphysique d’émergence, ce qui nous permettra pour finir d’éclairer cette thèse souvent formulée par les praticiens de systèmes complexes, à savoir que ceux-ci accueillent des propriétés émergentes, lesquelles sont ontologiquement consistantes.
Chapitre 2 (page 47) Solange Haas Quelle complexité en écologie ?
1] Décrire les systèmes écologiques
1.1] Foisonnement de la nature
1.1.1] La systématique
1.1.2] La tangled bank darwinienne
1.2] Description quantitative des systèmes écologiques
1.2.1] Le décompte des entités
1.2.2] Le décompte des interactions
2] Mesures de la complication et de la complexité en soi en écologie
2.1] Mesure de la complication
2.1.1] Complication mathématique
2.1.2] Complication physique et compression du signal
2.2] Mesure de la complexité en soi
2.2.1] Phénomènes émergents
2.2.2] Non-linéarité et complexité en soi
2.2.3] Phénomène émergent et simplicité
3] L’écologie, une science à différentes échelles
3.1] Découplage des échelles spatio-temporelles dans les théories écologiques
3.1.1] Des théories à échelles fixées
3.1.2] Stratégies de découplage des échelles
3.2] Stratégies de couplage des échelles spatio-temporelles
4] Conclusion
Résumé. L’écologie est une branche de la biologie qui s’intéresse aux relations qu’entretiennent les organismes vivants avec leur milieu. Les échelles de temps et d’espace considérées y diffèrent beaucoup selon le contexte de l’étude : du temps de la mutation à celui de la spéciation et de la cellule à la biosphère. Nous cherchons dans ce chapitre à clarifier le terme de « complexité » appliqué aux systèmes écologiques en nous appuyant sur la distinction proposée par Allen et al.(2017) qui oppose « complication » lorsque sont observées les parties constitutives du système et « complexité en soi » lorsque l’ensemble du système est vu comme un tout. Nous étudions notamment les différentes mesures de complexité usuelles en écologie à travers le prisme de cette distinction et insistons sur la compatibilité entre ces deux perspectives qui sont présentes dans tous les milieux écologiques (Wimsatt 2000), tout en trahissant un point de vue différent sur le système.
Abstract. Ecology is a branch of biology that is concerned with the relationships between living organisms and their environment. The scales of time and space considered differ greatly depending on the context of the study: from the time of mutation to that of speciation and from the cell to the biosphere. We seek to clarify the term 'complexity' as applied to ecological systems, referring to the distinction proposed by Allen et al. (2017) between 'complication' (when the constituent parts of the system are observed) and 'complexity per se' (when the system is seen as a whole). We propose a study of the different measures of complexity commonly used in ecology through the prism of this distinction and emphasize the compatibility of these two perspectives, which are present in all ecological settings (Wimsatt 2000), but which denote a different view of the system.
Chapitre 3 (page 73) Cédric Gaucherel La complexité linguistique du vivant
1] État de l’art
2] Méthodes
3] Formalisation
4] Discussion
Résumé. La vie est complexe, c’est certain. Mais ces deux concepts, la vie et la complexité, sont mal définis et trop larges pour aider à comprendre épistémologiquement cette affirmation. Dans ce chapitre, je souhaite expliquer et promouvoir une conception originale du vivant, la théorie linguistique du vivant (TLV, Gaucherel 2019), et la positionner face aux propositions les plus récentes. On observe sur ce sujet deux conceptions complémentaires du vivant qui sont rarement combinées en une compréhension plus intégrée : l’hypothèse métabolique et l’hypothèse évolutionniste du vivant. Je ne souhaite pas donner ici une revue complète ni historique sur la complexité du vivant. Au contraire, je souhaite insister sur les propositions récentes qui me semblent les plus marquantes dans ces deux courants épistémologiques : la clôture de contraintes (CC, Montévil et Mossio 2015) proche de la conception métabolique, et « la chanson pas les chanteurs » (ITSNTS, Doolittle et Inkpen 2018) proche de celle évolutionniste. Pour préciser et formaliser notre pensée, je développerai des modèles conceptuels simples illustrant chacune des trois propositions, et montrerai les connexions entre la théorie linguistique du vivant et ces deux autres propositions. En résultat central, non seulement l’hypothèse TLV apparaît en bon accord avec les hypothèses CC et ITSNTS, mais elle les réunit et les enrichie de façon attrayante, sur les court et long termes. La complexité linguistique du vivant est une hypothèse encore en test, mais elle pourrait aider à revisiter la conception que nous avons de la vie.
Abstract. Life is complex, for sure. But these two concepts, life and complexity, are ill-defined and too broad to help us understanding their underlying epistemological foundations. In this chapter, I would like to promote and explain an original conception of life, and to posit it in face of the most recent conceptions today advocated. We observe two dominant views of what is life, sometimes yet rarely combined: the metabolic and the evolutionist points of view. To provide an exhaustive and historical review of life epistemology is out of the scope of this paper. Rather, I would like here to focus on what seems to me the most advanced propositions in each direction: the constraint closure (CC) for the metabolic view and the “it’s the song not the singers” (ITSNTS) for the evolutionist view. I intend to develop simple and conceptual models to illustrate each proposition, and to show the connections between the linguistic theory of life (TLV) and these two other propositions. As a central result, I will show how, not only TLV is in agreement with both CC and ITSNTS theories, but also that it combines them into an augmented and smart proposition, over the short and long terms. Finally, the linguistic theory of life is a hypothesis that is today tested and that, we hope, will help revisiting the conception we have on the complexity of life.
Chapitre 4 (page 91) Emiliano Sfara Autonomie et complexité dans l’approche organisationnelle
1] Première propriété : la fermeture de contraintes
2] Deuxième propriété : l’agentivité
3] Inter-action et complexité
Résumé. Selon l’approche organisationnelle, l’organisme vivant se distingue par deux caractéristiques principales : la clôture des contraintes et l’agentivité. En vertu de son ouverture thermodynamique, l’organisme doit agir dans un contexte environnant à partir d’une série d’objectifs (agency) pour assurer l’autoproduction et l’autorégulation de ses parties internes (clôture des contraintes). Puisque ni la régulation ni l’évolution de son métabolisme interne ne peuvent être expliquées sans une référence simultanée à la dynamique du contexte externe, chaque organisme est un organisme complexe. Nous entendons le terme complexité dans son sens étymologique : « complexité » vient du latin « complecti », qui signifie incorporer, unir. Dans l’organisme, les principes d’autorégulation des parties internes et la dynamique du contexte externe sont unis.
Abstract. According to the Organisational Approach, the living organism is set apart by two main characteristics: closure of constraints and agency. By virtue of its thermodynamic openness, the organism must act in a surrounding context on the basis of a series of goals (agency) to guarantee the self-production and self-regulation of its internal parts (closure of constraints). Since neither the regulation nor the evolution of its internal metabolism can be explained without a simultaneous reference to the dynamics of the external context, each organism is a complex organism. We mean the term complexity in its etymological sense: "complexity" comes from the Latin "complecti", which means to incorporate, to unite. In the organism, the principles of self-regulation of the internal parts and the dynamics of the external context are united.
Partie 2 Enjeux de la complexité
Chapitre 5 (page 113) Maurizio Ribera d’Alcalá, Bruno Hay Mele, Daniele Iudicone Plankton networks: interactions, diversity and complexity
1] Background
2] The Plankton
3] The context and the scales
4] The interactions
4.1] Trophic interactions
4.2] Other interactions
5] The emerging dynamics of plankton
6] Attributes of complexity and the role of diversity
7] Synthesis
Abstract. Plankton, the ensemble of microscopic organisms floating and swimming in the ocean, are the most abundant component of marine biota and also the component contributing the most to the total biomass of the ocean. On the other hand they are relatively diluted in respect to the microorganisms in other ecosystems, e.g., the soil. Due to their numerosity and their several, obligatory interactions, they possess the basic characteristics for constituting a multicomponent, complex system. Herein we analyze the temporal and spatial scales of the interactions and the factors that may modulate or drive them. We assess that the interactions are generally short range and, because of the fluid motion they are, relatively, short lasting. This, while preventing persistent coupling among components, should drive the system versus interchangeable interactions, i.e., degeneracy, which should confer plasticity and adaptability to plankton ecosystems. In addition we highlight that the multiscale motions of the fluid makes the plankton system a driven system, which displays spatial patterns despite the potentially homogenizing mixing, and report, from the literature, that those patterns emerge from the interplay between the coherent component of the flow and the biotic interactions within it which mitigate the disordering impact of mixing. The impact of the latter is also overcome in the time dimension where plankters recurrence clearly moves around an attractor. We finally analyzed if plankton could be a good system to address the long-lasting issue of the link between diversity and ecosystem stability and we highlighted that, especially for plankton, stability strongly depend on the time scale considered. Our conclusion is that, even if the 'plankton complexity' became, to some extent, a buzzword plankton systems share some characteristics of complex systems but, on the other hand, the Complex Adaptive System (CAS) framework is only partially useful to characterize plankton dynamics.
Résumé. Le plancton, l'ensemble des organismes microscopiques qui flottent et nagent dans l'océan, est la composante la plus abondante du biote marin et aussi celle qui contribue le plus à la biomasse totale de l'océan. Cependant, ils sont relativement peu abondants par rapport aux micro-organismes présents dans d'autres écosystèmes, comme le sol. En raison de leur nombre et de leurs interactions multiples et obligatoires, ils possèdent les caractéristiques de base pour constituer un système complexe multicomposant. Nous analysons ici les échelles temporelles et spatiales des interactions et les facteurs qui peuvent les moduler ou les diriger. Nous considérons que les interactions sont généralement de courte portée et, en raison des mouvements du fluide, relativement de courte durée. Ceci, tout en empêchant un couplage persistant entre les composants, devrait mener le système vers des interactions interchangeables, c'est-à-dire vers la dégénérescence, ce qui devrait conférer plasticité et adaptabilité aux écosystèmes planctoniques. En outre, nous soulignons que les mouvements multi-échelles du fluide font du système planctonique un système orienté, qui présente des motifs spatiaux malgré le mélange potentiellement homogénéisant, et nous précisons, à partir de la littérature, que ces motifs émergent de l'interaction entre la composante cohérente du flux et les interactions biotiques au sein de ce flux qui atténuent l'impact désordonné du brassage. L'impact de ce dernier est également atténué dans le temps, lorsque la récurrence des planctons se déplace clairement autour d'un attracteur. Enfin, nous analysons si le plancton peut constituer un bon système pour examiner la question persistante du lien entre la diversité et la stabilité de l'écosystème et nous soulignons que, en particulier pour le plancton, la stabilité dépend fortement de l'échelle de temps considérée. Notre conclusion consiste à dire que, même si la "complexité du plancton" est devenue, dans une certaine mesure, un mot à la mode, les systèmes planctoniques partagent certaines caractéristiques des systèmes complexes alors que le cadre des systèmes adaptatifs complexes (CAS) n'est que partiellement utile pour caractériser les dynamiques du plancton.
Chapitre 6 (page 135) Olivier Delettre Une approche historique du lien entre complexité, stabilité et résilience des systèmes écologiques
1] La résilience : une conceptualisation de la « stabilité mathématiquement atypique » dont parlait May
2] Le cycle adaptatif : une façon particulièrement dynamique d’établir des interactions
3] La panarchie : une façon particulière d’organiser les interactions
4] La diversité fonctionnelle entre les niveaux hiérarchiques : une manière particulière d’être diversifié
5] Conclusion
Résumé. Avant les années 1970, la science des systèmes complexes était encore naissante et la « complexité » des écologues renvoyait simplement à la diversité des espèces et des interactions au sein d’une communauté ou d’un écosystème. De nombreuses observations empiriques avaient permis d’établir une loi selon laquelle plus un système écologique est complexe, plus il est stable. Cependant, dans un ouvrage de 1973, l’écologue canadien Robert May révélait que ces observations empiriques étaient en décalage avec les prédictions des modèles mathématiques. Ces derniers indiquaient en effet que le comportement d’un système écologique avait tendance à être d’autant plus chaotique qu’il était complexe. Selon May, cela ne signifiait pas qu’il fallait remettre en cause les observations empiriques mais plutôt qu’il était nécessaire « d’élucider le type très particulier de complexité [propre aux systèmes écologiques] qui pouvait être à l’origine de cette stabilité mathématiquement atypique ». Parmi les tentatives d’élucidation de ce problème posé par May, l’article se propose de revenir sur la contribution de l’écologue canadien Crawford S. Holling et de ses proches collaborateurs. Dès 1973, Holling a précisé que cette « stabilité mathématiquement atypique » était en fait une résilience que les modèles de May ne permettaient pas de saisir. Puis, durant les trente années qui ont suivi, Holling et ses collaborateurs ont participé à l’élucidation des « types très particuliers de complexité » dont parlait May en s’appuyant sur les avancées théoriques des sciences de la complexité en plein essor. Après avoir brièvement rappelé le contenu et la portée des travaux de May, nous détaillerons ces deux contributions et montrerons de quelle manière elles ont permit d’éclairer le lien entre stabilité, résilience et complexité écologique.
Abstract. Prior to the 1970s, complexity science was still an emerging science and ecologists used the term "complexity" merely to refer to the diversity of species and interactions within a community or ecosystem. At that time, numerous empirical observations supported a kind of law that the more complex an ecological system is, the more stable it is. However, in a 1973 book, the canadian ecologist Robert May revealed that these empirical observations were at odds with the predictions of mathematical models. The latter indicated that the more complex an ecological system was, the more chaotic it tended to be. According to May, this did not mean that empirical observations should be questioned, but rather that it was necessary to "elucidate the very special sorts of complexity [in ecological systems] which may promote such mathematically atypical stability". Among the attempts to elucidate this problem posed by May, the article focus on the contribution of the canadian ecologist Crawford S. Holling and his colleagues. As early as 1973, Holling pointed out that this "mathematically atypical stability" should rather be named "resilience" and could not be captured by May's models. Then, over the next thirty years, Holling and his close collaborators helped to elucidate the "very special sorts of complexity" that May was talking about, drawing on the theoretical advances of the burgeoning complexity sciences. After briefly recalling the content and scope of May's work, we will detail these two contributions and reveal how they shed light on the link between ecological stability, resilience and complexity.
Chapitre 7 (page 153) Silvia Caianiello Loin de l’équilibre. Dynamiques de la diversité en écologie et en sociologie
1] La dynamique de la diversité et les interactions d’ordre supérieur
1.1] Les systèmes adaptatifs complexes (Complex Adaptative Systems, CAS) et la modélisation discrète
1.2] Les différents enjeux de la diversité
2] La science sociale computationnelle et la pathologie de la dynamique de la diversité
2.1] La dynamique de la diversité culturelle selon Axelrod
2.2] La dynamique de la diversité culturelle après Axelrod
2.3] Les ponts larges nous sauvent de l’anomie et de la monoculture
2.4] La nature des ponts larges
3] Diversité et stabilité en écologie
3.1] La fonction constitutive des perturbations
3.2] Des approches statistiques aux approches dynamiques-structurelles de la diversité
3.3] De la force de l’interaction à l’« effet net »
3.4] Les réseaux en contexte
3.5] L’enjeu des interactions non trophiques
4] Conclusion
Résumé. L’objectif de cet article est de comparer certains développements récents dans la représentation et la prédiction de la dynamique de la diversité – à savoir sa production et son maintien dans des systèmes hors équilibre – dans les sciences sociales (dans le cas de la diversité culturelle) et en écologie (biodiversité). Les avancées dans la modélisation des réseaux multicouches, ainsi que les nouvelles technologies habilitantes, ont récemment déplacé l’attention dans les deux domaines sur les interactions « d’ordre supérieur », comme une couche supplémentaire de complexité qui doit être prise en compte pour comprendre cette dynamique. Ces développements confirment la fertilité analytique et heuristique de l’approche systémique, qui fournit un ensemble commun d’outils pour formaliser les systèmes adaptatifs complexes, mais ils mettent également en évidence des différences profondément ancrées entre ces deux typologies de systèmes, finalement régies par des forces distinctes, des formes d’agentivité et un environnement de référence pertinent. La portée plus large de la présente analyse comparative des interactions d’ordre supérieur en sciences sociales et en écologie est donc de raviver la position antiréductionniste originale de la théorie des systèmes, en tant que condition préalable à une intégration pluraliste de phénomènes appartenant à des niveaux ontologiquement et épistémologiquement irréductibles, pour une gestion plus efficace de la complexité plus grande induite par leur entrelacement, et, enfin et non moins important, pour mieux contrer le danger de la perte de diversité à laquelle les deux systèmes sont de plus en plus exposés.
Abstract. The aim of this paper is to compare some recent developments in the representation and prediction of the dynamics of diversity – i.e., its production and maintenance in nonequilibrium systems – in the social sciences (at the case of cultural diversity) and in ecology (biodiversity). Advancements in the modeling of multilayered networks, together with new enabling technologies, have lately shifted the focus in both fields on “higher order” interactions as an additional layer of complexity which must be taken into account to understand these dynamics. These developments confirm the analytic and heuristic fertility of the systemic approach, as providing a common set of tools for formalizing complex adaptive systems, but they also highlight deeply entrenched differences between these two typologies of systems, ultimately driven by the distinct forces, forms of agency and relevant reference environment. The broader scope of the present comparative analysis of higher order interactions in social science and ecology is therefore to revive the original antireductionist stance of System Theory, as the precondition for a pluralist integration of phenomena belonging to ontologically and epistemologically irreducible levels, for a more effective management of the greater complexity driven by their interlacing, and, last but not least, for better counteracting the danger of the loss of diversity to which both systems are increasingly exposed.
Chapitre 8 (page 195) Andrea Angelini Organisme, société et écosystème. Questionner la régulation environnementale à travers Georges Canguilhem
1] De la régulation physico-théologique à la régulation biologique
2] Normativité biologique, régulation sociale et écologie politique
3] Écologie et régulation : actualité de Canguilhem
4] Conclusion
Le concept de régulation traverse différents domaines des sciences modernes et contemporaines – tant « naturelles » que « humaines » – et il se présente aussi, sous plusieurs formes, comme un thème central dans le contexte scientifique et politique de l’écologie au XXe siècle, jusqu’à nos jours. En effet, la circulation de ce concept concerne également les technologies gouvernementales constituées au cours de la modernisation industrielle, les transformations de leurs cadres théoriques et de leurs stratégies d’interventions sur la société, l’environnement, ou les deux à la fois. Cette provenance multidisciplinaire du concept de régulation, ainsi que ses implications dans des rationalités gouvernementales, comportent une polysémie et une fluidité épistémique singulières de cette notion. De même, cette variété de formes et d’applications rend difficile d’établir la validité de ses usages ou ses extensions abusives ou idéologiques. En ce sens, Georges Canguilhem a consacré plusieurs études (à la fois historique, épistémologique et politique) aux transformations du concept de régulation, ainsi qu’aux « mauvaises analogies » – en particulier entre machine, organisme et société – que sa circulation a véhiculées. À partir de ce travail, cet article se propose de relancer la problématisation des usages scientifiques et politiques de cette notion dans le débat écologique contemporain, notamment en ce qui concerne la théorie des écosystèmes.
The concept of regulation crosses different fields of modern and contemporary sciences – both “natural” and “human” – and it also appear, in several forms, as a central theme in the scientific and political context of ecology in the 20th century, up to the present day. Indeed, the circulation of this concept also concerns the governmental technologies developed during the industrial modernization, the transformations of their theorical frameworks and their strategies of interventions on society, on environment, or both. This multidisciplinary origin of the concept of regulation, as well as its implications in governmental rationalities, involves a singular epistemic polysemy and fluidity of this notion. Similarly, this variety of forms and applications makes it difficult to establish the validity of its uses or its abusive or ideological extensions. In this sense, Georges Canguilhem has devoted several studies (both historical, epistemological and political) to the transformations of the concept of regulation, including the “bad analogies” - notably between machine, organism and society - that its circulation has conveyed. Based on this work, this article aims to relaunch the problematization of scientific and political uses of this notion in the contemporary ecological debate, especially with regard to ecosystems theory.
Partie 3 Parcours pluridisciplinaires d’épistémologie historique
Chapitre 9 (page 227) Caroline Angleraux La complexité en regard de la simplicité : étude d’une terminologie épistémologique en philosophie moderne
1] Simplicité et complexité : les monades leibniziennes
2] Une double acception de la simplicité : naturalisation des monades
2.1] Physicaliser les monades ?
2.2] Naturalisation des monades simples à la complexité interne chez les romantiques allemands
2.3] Naturalisation des monades simples et composition organique chez les naturalistes
3] Monades et cellules, unités simples entre complexité et composition
3.1] Monades en contexte biologique au croisement de la complexité et de la composition
3.2] Monades et cellules au croisement de la complexité et de la composition
4] Conclusion
Résumé. Quand un composant « simple » donne lieu à un système complexe intégré, qu’est-ce que la simplicité que ce composant désigne, en regard de la complexité ? Dans une approche épistémique et historique, nous nous proposons de présenter un pan de l’histoire conceptuelle de la simplicité et de la complexité en philosophie moderne et de voir comment cette conceptualisation a interagi avec le concept de cellule qui se construit au XIXe siècle. Pour étudier précisément cette évolution conceptuelle de la simplicité et de la complexité et son impact sur l’étude des êtres vivants, nous nous concentrerons exclusivement sur la naturalisation de la monade leibnizienne et sur l’influence que cette naturalisation a eue dans le contexte d’émergence du concept de cellule dans les années 1830. En ce sens, l’objectif de ce chapitre sera de montrer que le concept de monade et celui de simplicité qu’il implique ont établi une dynamique fructueuse pour penser l’être vivant simple, c’est-à-dire le système complexe le plus simple.
Abstract. When a “simple” component produces an integrated complex system, what does simplicity mean for this component, in comparison with complexity? In an epistemic and historical approach, we introduce a part of the conceptual history of simplicity and complexity in modern philosophy and examine how this conceptualization interacted with the concept of the cell, which emerged in the 19th century. In order to study precisely this conceptual evolution of simplicity and complexity and its impact on the study of living beings, we will focus on the naturalization of the Leibnizian monad and on the influence that this naturalization had in the context of the emergence of the concept of cell in the 1830s. In this sense, the objective of this chapter will be to show that the concept of the monad and the concept of simplicity that it implies have established a fruitful dynamic for thinking about the simple living being, i.e. the simplest complex system.
Chapitre 10 (page 257) Nicola Bertoldi Simplifier la complexité : la génétique des populations dite « classique » et ses défis
1] Les modèles de la génétique des populations classique et la réduction de trois aspects de la complexité biologique : une simplification abusive ?
2] Réduire la complexité du vivant pour reformuler des problèmes biologiques : l’exemple de George Gaylord Simpson
3] Épilogue
Résumé. Suivant la définition qu’en a donnée Ernst Mayr (1959), la génétique des populations dite « classique » n’est rien d’autre que la branche théorique et mathématique de la génétique des populations dont les concepts et les méthodes sont enracinés dans les approches développées par R. A. Fisher, Sewall Wright et J. B. S. Haldane entre les années 1920 et les années 1940. Les questions de recherche qui l’animent ont trait à l’étude de l’évolution de populations d’organismes, conçue comme étant la variation de leur composition génétique, telle qu’elle se reflète dans la variation des fréquences relatives des allèles (ou des génotypes) qui constituent les pools géniques de ces mêmes populations. Afin d’étudier ce phénomène, la génétique des populations classique se sert de modèles qui consistent, comme l’observent James Crow et Motoo Kimura (1970), en des représentations simplifiées des causes et des effets des variations de fréquences alléliques (ou génotypiques) qui se construisent en faisant abstraction des caractéristiques propres à des populations réelles particulières. L’usage de ces modèles comporte, par conséquent, une réduction du niveau de complexité des phénomènes étudiés, si bien que le problème de rendre compte de la complexité évolutive du vivant, tout en la réduisant à la simplicité relative de ses propres modèles, a constitué l’un des défis majeurs que la génétique des populations classique ait dû affronter au cours de son histoire. L’objectif de ce chapitre est précisément de mettre au jour la manière dont les généticiens des populations ont tâché de relever un tel défi, en répondant à la question suivante : En quoi la boîte à outils de la génétique des populations classique serait-elle à même de réduire la complexité évolutive du vivant ? Cette question en implique, cependant, deux autres : Que signifie donc l’expression « complexité évolutive du vivant » et comment pourrait-on réduire cette forme particulière de complexité ? En quoi les outils de la génétique des populations classique permettent-ils de rendre compte de phénomènes évolutifs complexes, comme, par exemple, la diversité des taux évolutifs qui caractérisent différents phyla ? Afin de répondre à ces questions, ce chapitre se livrera à une analyse aussi bien théorique qu’historique des présupposés sur lesquels reposent les modèles de la génétique des populations « classique », ainsi que du rôle qu’ont joué ces derniers dans le développement de la théorie synthétique de l’évolution, notamment par l’intermédiaire de George Gaylord Simpson (1944).
Abstract. According to Ernst Mayr’s (1959) definition, “classical” population genetics is the theoretical and mathematical branch of population genetics whose concepts and methods are rooted in the approaches developed by R. A. Fisher, Sewall Wright and J. B. S. Haldane between the 1920s and the 1940s. The research questions that have driven work in this domain pertain to how the relative frequencies of the alleles (or genotypes) that comprise the gene pools of given populations of organisms vary across time. Such variations are taken to mirror the evolution of those same populations qua progressive modification of their genetic makeup. Classical population genetics studies those phenomena by relying on models that amount, as observed by James Crow and Motoo Kimura (1970), to simplified representations of the causes and effects of variations in allele (or genotype) frequencies. Accordingly, such models disregard characteristics specific to particular natural populations, and their use implies reducing the complexity level of the phenomena under investigation. The problem of accounting for the complexity of living phenomena while reducing said complexity to the simplicity of its models has thus constituted one of the main challenges that classical population genetics has faced throughout its history. The present chapter aims to highlight how population geneticists have taken up this challenge by answering the following question: How and to what extent is the toolbox of classical population genetics suited for reducing the evolutionary complexity of living phenomena? However, this question entails two further queries: What does the expression “evolutionary complexity of living phenomena” mean, and how could such a particular form of complexity be reduced? Furthermore, how do the tools of classical population genetics allow accounting for complex evolutionary phenomena, e.g. the differences in evolutionary rates among phyla? This chapter suggests an answer to those questions from a theoretical and historical standpoint by analysing the assumptions on which the models of classical population genetics rely, as well as the role that those same models have played in the development of the Modern Evolutionary Synthesis, notably through George Gaylord Simpson (1944).
Chapitre 11 (page 275) Elena Gagliasso Milieux intérieurs/extérieurs emboîtés : écoévolution et épigénétique
1] Deux environnements emboîtés
2] Un concept turbulent : le « milieu intérieur »
3] L’épigénétique ou la réapparition du « milieu intérieur »
4] Écologie humaine : des « biocides » aux EDCs
5] Nouvelle polysémie de l’épigénétique
Résumé. L’épigénétique offre la possibilité de rapporter l’ensemble des discours et des théories sur l’environnement écologique dans lequel nous sommes immergés (ce qui est autour de nous), avec l’environnement présent à l’intérieur des organismes (ce qui est en nous). Cette double imbrication donne lieu à des implications épistémologiques intéressantes : elles vont de la réémergence de concepts lamarckiens et bernardiens obsolètes, tels que le « milieu intérieur », à la distinction de différents niveaux d’explications épigénétiques. En effet, ces niveaux se sont étendus ces dernières années avec la fusion de différentes perspectives disciplinaires, et couvrent à la fois la génomique (régulation des gènes), et l’environnement intra-cellulaire, organique, écologique, épidémiologique, symbio-ontologique. L’évolution de la vie est ainsi questionnée à la lumière des contraintes des systèmes développementaux, tandis que l’embryogenèse et la morphogenèse, en tant que produits de l’évolution, révèlent les processus d’échanges matériels avec le système écologique plus large.
Abstract. Epigenetics offers the possibility of relating the set of discourses and theories on the ecological environment in which we are immersed (that which is around us), with the environment that is available inside organisms (that which isinside us). This double intertwining shows interesting epistemological implications: they range from the re-emergence of obsolete Lamarckian and Bernardian concepts such as "milieu interieur", to the distinction of different levels of epigenetic explanations. In fact, such levels have expanded in recent years through the merging of different disciplinary perspectives, and actually span from genomics (gene regulation) to the intra-cellular environment, to the organic, ecological, epidemiological, symbio-ontological one. The evolution of life is thus questioned in the light of the constraints of developmental systems, while embryogenesis and morphogenesis, as products of evolution, reveal the processes of material exchange with the wider ecological system.